ETHNOTEMPOS
Musiques Ethniques d'Aujourd'hui - Stéphane Fougère
Collection Le Salon de Musique :
"Du geste à l’oreille... de l’oreille au geste "... Dans cette formule réside le secret de la transmission orale. Mais en cette époque de révolution numérique et audiovisuelle, où les formes et les techniques des musiques traditionnelles du monde sont convoitées par un nombre sans cesse grandissant d’amateurs, il devenait nécessaire d’améliorer l’apprentissage en y ajoutant l’image.
C’est de ce constat qu’est née la collection Le Salon de musique, dirigée par Philippe NASSE. Et le DVD, plus encore que la vidéo, permet de rassembler les différents éléments utiles à tout enseignement d’un instrument.
A ce jour, trois DVD ont été réalisés, chacun ayant pour objet un instrument de percussion lié à une culture bien définie :
1. le djembé du Burkina-Faso,
2. le tabla de l’Inde du Nord et
3. le samba du Brésil.
Pour chaque instrument, il a été fait appel à un maître du genre.
Le Djembé est ainsi présenté par Inza DIABATE, un griot d’origine malinké issu d’une grande famille porteuse de la tradition orale africaine, malheureusement décédé en 1998 (année de parution du DVD).
Le Tabla (paru en 2000) est présenté par le Pandit Shankar GHOSH, une référence mondiale de la percussion mondiale qui a joué avec les plus grands : Ali Akbar KHAN, Vilayat KHAN, Ravi SHANKAR, etc.
Le Samba (2002) est pour sa part présenté par le Français Jean-Christophe JACQUIN, sambiste de renom, chef de batterie du groupe ZUM ZUM et directeur artistique de la bateria BATE BOMBO.
Chaque DVD comprend :
– une méthode d’initiation sous forme de leçons vidéo enseignées par un maître de l’instrument. Dans Le Djembé (premier volume de la collection), Inza DIABATE enseigne l’apprentissage de six polyrythmies (dont une au dundun) d’abord séparées puis jouées ensemble, de manière à pouvoir s’entraîner à la fois seul et en groupe. Dans Le Tabla, Pandit Shankar GHOSH explique comment accorder un tabla, présente différentes frappes et offre l’opportunité d’étudier des compositions fixes ou avec variations.
Enfin, dans Le Samba, Jean-Christophe JACQUIN décortique l’instrumentation des "batucadas" et présente les différentes techniques de jeu des percussions. Les exercices sont filmés au ralenti et en vitesse normale, et en polyrythmie avec d’autres instruments. Ce DVD étant interactif, chacun peut accéder à la séquence de son choix et ainsi aller à son rythme (si l’on ose dire), et réitérer l’exercice autant qu’il le souhaite.
– un film documentaire qui permet de situer l’instrument et le musicien dans son environnement culturel et géographique, de suivre avec force détails la fabrication de l’instrument, son enseignement et ses conditions de diffusion. Encore très concise dans Le Djembé (seulement une petite dizaine de minutes, mais amplement exploitées puisqu’on y trouve un historique du djembé et des considérations sur les pratiques musicales et sociales des griots et des djembéfolas), cette partie documentaire se trouve grandement développée dans les deux autres volumes.
En trois quarts d’heure, Le Tabla nous offre une très instructive visite à Calcutta et présente de nombreux extraits du Pandit Shankar GHOSH à la fois dans le contexte du concert avec d’autres musiciens et dans le cadre de l’enseignement. Dans Bateria, le documentaire du DVD Le Samba, nous pénétrons pendant plus d’une heure au coeur des préparatifs du carnaval de RIO de 2001 et assistons aux répétitions de quatre écoles (Imperatriz, Mangueira, Portela et Viradouro).
– un livret bilingue comprenant les partitions des thèmes enseignés dans la partie vidéo. Une fois encore, étant le premier à avoir été réalisé, Le Djembé n’offre qu’un livret de format CD (mais plus large) de 20 pages, qui, outre les partitions, traite cependant des symboles d’écriture, de la tenue de l’instrument et des noeuds de fixation et de tension.
Le livret du Tabla est déjà plus généreux puisque, du haut de ses 84 pages, il présente les origines de l’instrument, en décrit les différentes parties et les différentes façons de le frapper (les "bols"), ainsi que leur codification. Il développe plusieurs exercices de "talas" en détaillant les "kaidas" (règles régissant l’improvisation), les "relas" (articulations des effets de roulements), les "laggis" (formes d’accompagnement), les "thekas" (séquences rythmiques des talas), les "tukras" (courtes compositions fixes), les "gats" (longues pièces composées) et les "chakradhars" (compositions fixes).
– Un glossaire en fin de volume permet de mémoriser tous ces termes, assurément barbares pour le néophyte... Quant au livret du Samba, s’il ne fait que 66 pages, ses dimensions sont plus conformes à un livret standard de DVD.
Il expose l’histoire du samba, ses règles, ses répétitions, ses arrangements, ses championnats, présente la disposition des instruments durant le carnaval, les différentes écoles filmées pour le documentaire, leur contact, les partitions de chaque instrument, et comporte une sélection discographique et livresque ainsi qu’un glossaire. De superbes photos en couleur complètent agréablement le tout...
On peut à priori s’étonner de voir ainsi ces enseignements transmis oralement depuis des générations se transformer en apprentissages individualisés par le biais de l’image. On pourrait très bien arguer que rien ne vaut la relation directe et physique avec l’enseignant, le maître, le gourou...
Soit, mais force est de reconnaître que l’équipe de Philippe NASSE n’a pas ménagé ses efforts pour faire de ces DVD des outils remarquables tant sur le plan informatif que pédagogique. Chaque DVD a été conçu avec une grande exigence professionnelle qui a poussé chaque fois ses concepteurs à améliorer et à compléter encore plus les contenus de leurs productions.
L’évolution est flagrante d’un DVD à l’autre, et c’est évidemment le dernier volume en date, celui consacré au samba, qui est le plus abouti. Cela dit, même les deux premiers volumes possèdent toutes les qualités requises pour faire figures de références indispensables auprès des débutants comme des musiciens confirmés. Et ce n’est pas tous les jours qu’on peut se rendre au Burkina-Faso, en Inde ou au Brésil pour voir jouer et enseigner ceux-là mêmes qui rendent vivantes ces cultures ancestrales...
Stéphane Fougère